Je suis éducateur spécialisé depuis 2009. Je n’ai pas de parcours universitaire classique, je suis autodidacte. Je suis devenu profondément critique du néolibéralisme, de ses effets économiques, sociaux et culturels. Mes références actuelles sont Emmanuel Todd, Jean-Claude Michéa, Bernard Friot, Frédéric Lordon, David Cayla, Coralie Delaume, David Graeber, Naomi Klein...
Ces derniers jours, le PS, le PCF et EELV n’ont cessé de multiplier les appels du pied et les négociations avec Emmanuel Macron pour former un hypothétique gouvernement de centre gauche. Certains comme le député Philippe Brun sont même allés jusqu'à vouloir ressusciter le hollandisme en considérant que Bernard Cazeneuve serait une très bonne option pour Matignon. Ce réflexe révèle moins une stratégie politique que de la survie artificielle d’un corps politique déjà mort, celle d’une social-démocratie zombie[1].
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Comme l’a montré Emmanuel Todd avec le catholicisme zombie[2], qui continue d’imprégner les comportements malgré la disparition de la foi, ces partis perpétuent les dogmes d’un monde révolu :
– la croyance qu’un marché libre mais régulé pourrait garantir la justice sociale ;
– l’illusion qu’une redistribution des riches vers les pauvres suffirait à corriger les inégalités structurelles créées par le capital ;
– la foi dans un État arbitre, neutre et bienveillant, qui concilierait intérêts du capital et exigences sociales ;
– l’idée qu’une Europe sociale pourrait émerger d’institutions conçues pour sanctuariser la concurrence et la libre circulation des capitaux ;
– et, plus largement, l’espoir d’un capitalisme moral, adouci par quelques correctifs écologiques ou redistributifs.
Or, cette vision appartient à un autre âge car le compromis fordo-keynésien n'existe plus[3]. À la différence de leurs prédécesseurs, ces partis sont désormais largement discrédités auprès des Français. Ainsi, ensemble, ils ne représentent plus qu’à peine 10 % des suffrages[4]. Leur discours ne parle ni aux ouvriers, ni aux employés, ni aux classes moyennes précarisées. Ils incarnent cette « gauche brahmane » décrite par Thomas Piketty[5] — celle des professions intellectuelles supérieures, urbaines, diplômées, détachées des réalités du travail et de la France périphérique et rurale[6].
Cette social-démocratie zombie continue de réciter les prières d’un capitalisme à visage humain, sans voir que le système dont elle espère la rédemption est entré en phase terminale[7]. Cette gauche croit encore aux politiques de régulation quand tout démontre que la financiarisation, la désindustrialisation et la crise écologique ont rendu ces compromis impossibles[8]. Cette gauche parle d’égalité, mais dans le cadre d’un système économique qui rend structurellement irréalisable toute politique de redistribution.
Ainsi, la gauche traditionnelle ne meurt pas de ses adversaires, mais de son incapacité à rompre avec l’imaginaire bourgeois du progrès indéfini et du compromis social.
Car la véritable alternative ne se joue plus entre droite et gauche du Capital, mais entre la perpétuation d’un capitalisme autoritaire et la construction d’un éco-socialisme démocratique, fondé sur la souveraineté populaire, la socialisation des moyens de production et la planification écologique.
La social-démocratie, dans sa forme zombie, vit pour l’heure ses derniers instants.
Nicolas Maxime
[1] Expression inspirée du concept de « catholicisme zombie » développé par Emmanuel Todd, Les Luttes de classes en France au XXIe siècle, Seuil, 2020.
[2] Ibidem
[3] Wolfgang Streeck, Du temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique, Gallimard, 2014.
[4] Résultats cumulés du PS, PCF et EELV aux élections européennes de 2024 : environ 9,8 % des voix.
[5] Thomas Piketty, Capital et idéologie, Seuil, 2019.
[6] Christophe Guilluy, La France périphérique, Flammarion, 2014.
[7] Wolfgang Streeck, Comment finira le capitalisme ?, dans Le Débat, numéro 189, mars-avril 2016.
[8] Wolfgang Streeck, Du temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique, Gallimard, 2014.